Guillaume Gressier

La Soli

Bonjour, et merci de me recevoir si rapidement.

Félicitation ! J’ai déjà vu de très beaux bureaux, de somptueux même, et je peux dire que le vôtre me plaît particulièrement.
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Et bien bravo à vous.
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Comme vous en a sans doute informé votre assistant, je fais l’objet d’une plainte que la famille de mon défunt mari a portée contre moi. Abus de droit et usage de logiciels illégaux, pour être exacte ; dans le cadre de la mise à mort de mon époux.
Je ne suis pas particulièrement inquiète au sujet de l’affaire. En balayant rapidement les jugements rendus habituellement pour des cas similaires, il m’est apparu évident que n’importe quel avocat, un tant soit peu compétent, n’aura aucun mal à casser l’accusation pour abus de droit. Il suffira alors de négocier une condamnation financière pour l’utilisation des logiciels pirates. Donc rien de bien menaçant en soi.
Ce qui me préoccupe c’est l’impact de cette affaire, toute cette affaire, sur mon travail.
J’occupe un poste à haute responsabilité dans une grande entreprise intercontinentale et je...
...
Je dirige le pôle Research Développement and Implementation pour Human Yield .
Je ne veux pas faire preuve de prétention, ni même de flatterie, mais vu l’importance de certains dossiers que vous avez traités ; je suis sure que vous saisissez aussi bien que moi le degré de concentration à mobiliser pour réussir lorsque l’on évolue à ce niveau de responsabilité.
La moindre de vos réactions, le moindre de vos gestes est constamment épié, analysé par ceux qui vous entourent. Qu’il s’agisse de vos collègues directeurs, de votre PDG ou de vos collaborateurs. Consciemment ou pas, ils construisent jour après jour une image de vous à partir des éléments que vous leur donnez, et la cohérence de cette image détermine la confiance et le respect qu’ils vous accordent.
Et justement. J’aimais profondément mon mari, intensément. Et cette histoire m’a empêchée d’être entièrement concentrée. Je n’ai pas commis d’erreur, du moins aucune qui puisse m’être reprochée, mais le plus important n’est pas là. Une fraction de seconde d’hésitation, un sous entendu non répondu dans l’instant, un voile d’irritation dans la voix...Sous le coup de la fatigue et de l’émotion j’ai lâché ce genre de petits rien, d’infimes signes de non maîtrise qui font que peut-être, pour certains, je ne suis plus parfaitement cohérente, donc plus tout à fait infaillible.
J’ai perdu mon mari. Je refuse de perdre ma carrière. Il faut que j’obtienne gain de cause le plus rapidement possible pour mettre cette histoire derrière moi. C’est la seule solution si je veux être à nouveau efficace dans mon travail. Et c’est précisément ce que j’attends en m’adressant à vous.
...
Les faits. En ce qui concerne les faits, je dirai qu’il est nécessaire de remonter trois mois en arrière pour comprendre les raisons qui m’ont poussées à agir de la sorte. Car mes premiers doutes datent de cette période.

Mon mari a toujours été très bon amant. Le sexe est, de mon point de vue, un des ciments principaux du couple. Je n’avais donc pas fait l’impasse sur cette qualité en choisissant mon homme. Au delà du physique il savait être attentif, inventif et se montrer tendre ou sauvage suivant les moments.
Une chose m’avait séduite, je dirais même profondément touchée : Il donnait l’impression, lorsque nous faisions l’amour, de prendre cela comme un cadeau des dieux. Comme si le ciel lui avait donné une déesse à aimer et qu’il devait tirer tout le plaisir possible d’un tel bonheur avant que les dieux capricieux ne changent d’avis. Durant les sept années de notre union les dieux s’étaient montrés très constants. Il m’aimait pourtant avec la même ferveur vorace qui, je dois le dire, alimentait mon propre désir.
Je ne vous livre pas ces détails de ma vie intime par plaisir exhibitionniste, bien au contraire. Le fait est que ce trait a disparu chez lui il y a trois mois. Y étant particulièrement sensible je m’en suis aperçue immédiatement.
Peu de choses avaient changées mais d’infimes détails, dans le regard, le souffle, l’automatisme des caresses surtout, m’ont fait réaliser qu’être au lit avec moi ne constituait plus pour lui un honneur sacré mais un plaisir simple, voir même un...un...c’est sans importance à présent.

J’ai commencé par m’interroger, m’observer d’un oeil critique dans le miroir, m’intéresser d’un petit peu plus près au regard des hommes et femmes de mon entourage. Ce regard là ne trompe pas ; et je n’y ai pas lu l’écho d’une beauté sur le point de se faner, bien au contraire.
Je l’avais laissé me dévorer d’amour pendant des années, sans doute était-il nécessaire de raviver la flamme. Je nous avais imposée une période de manque afin d’exciter son désir.
Et au lieu de me réjouir, les quelques avances que m’a fait mon mari durant cette abstinence programmée m’ont alarmée.

Il faut que vous sachiez que notre réussite sociale et professionnelle, à mon mari et moi, est due à notre talent partagé pour sentir les motivations des individus qui nous entourent, et à nous en servir spontanément, par réflexe. Cela n’a rien d’une capacité extralucide. C’est un trait de personnalité particulièrement développé chez nous, comme l’humour ou la créativité chez d’autres.
Et je peux affirmer que ses avances ne ressemblaient en rien, à part la forme, à des manifestations de désir.
Sans le savoir, sans doute inconsciemment, il avait percé ma manoeuvre et senti que, derrière mon masque de lassitude, j'attendais des signes de sa part.
Il me les avait donc fournis, mécaniquement.

Lorsque votre mari de trente cinq ans, débordant de virilité et d’accomplissement, cesse soudainement de vous désirer ; il n’y a que deux solutions. Soit votre corps s’est affaissé brusquement, soit il vous a remplacé.
Ayant déjà exploré la première hypothèse je dû cette fois me résoudre à la seconde, partagée entre l’envie folle de trouver une autre explication et la conviction froide et écoeurante d’être dans le vrai.
Dans la - courte - investigation qui a suivi, mon but n’était plus de découvrir la vérité. Je cherchai une preuve, une certitude, pour faire taire des espoirs que je savais déjà vains, et ancrer ma réaction sur du concret.

J’ai fouillé sa mémoire, simplement.
Nous avions partagé l’accès à nos mémoires au moment d’emménager ensemble, en même temps que la signature du contrat d’union et des droits de mort. Nous étions confiants, éperdument amoureux. Je n’ai croisé que très peux de couples unis par un tel sentiment. Un amour plein, qui part d’un amour de soi et englobe l’autre entièrement...même en voyant le résultat aujourd’hui je vous souhaite de connaître cela un jour.
J’ai du mettre moins de dix minutes à trouver. Il faut reconnaître que j’avais de bon critères de recherche :
- Souvenirs sensoriels
- Crées il y a moins de six mois
- Consultés plusieurs fois au cours des derniers trente jours.

Onze fichiers issus de ses souvenirs correspondaient - je revoie encore les icônes du dossier de résultats - dont, à ma grande surprise, cinq fichiers professionnels. La dernière réunion du conseil d’administration de la société qu’il dirigeait ; et les entretiens individuels les plus récents avec ses collaborateurs de l’équipe de direction.
Venait ensuite “Gasoline”, extrait du concert des Red Weather, groupe d’imitation des célèbres Dead Weather des années dix, que nous étions allés écouter quelques mois auparavant.
Les derniers fichiers contenaient des, comment dire...ils contenaient ce que je cherchais.
Le premier datait d’un peu plus d’un mois, le deuxième de moins de deux semaines. Les trois suivants avaient été enregistrés à deux jours d’intervalle les uns des autres.
Je suis certaine d’avoir reconnu sur la miniature du dernier, vieux d’à peine vingt-quatre heures, la terrasse d’un café du quartier. Un lieu public. Des gens que nous connaissions tous les deux auraient pu passer par là et voir mon mari s’afficher avec cette...
Cela ne vous servira à rien que je la décrive. Pour moi ça sera toujours une pute, ou une salope. J’espère juste qu’aujourd’hui c’est une pute malheureuse.

Je me suis quand même forcée à ouvrir un souvenir, pour vérifier, avoir la conscience claire par la suite. Pas en mode ressenti. Seulement la vidéo.
Oui, c’était bien le corps de mon mari. Oui, il passait bien à l’acte. Même sans le son et en accéléré j’ai failli craquer.

Après avoir enregistré les fichiers dans ma propre mémoire j’ai essayé de les dupliquer dans la sienne, à l’infini. Pour que la masse de ces souvenirs lui fasse éclater la tête et qu’il en crève.
Cela n’a rien donné, évidement. Vu que ce n’était pas ma mémoire je ne pouvais rien y modifier. Cependant l’idée m’avait bien plu. En y réfléchissant, je crois qu’elle s’est imposée à moi en quelques minutes.
De toute façon je n’aurai jamais pu lui pardonner.
Le quitter sur le champ revenait à laisser le champ libre à sa maîtresse. Je ne doute pas qu’elle aurait su tortiller des fesses et placer ses petites crises de jalousie. Il aurait cessé de penser à moi avant même d’avoir réalisé combien il m’avait trahie, blessée et humiliée. Pour moi c’était tout à fait hors de question.
Le tuer purement et simplement, sans souffrance, d’un coup ; non seulement je n’y voyais aucun sens mais je trouvais cela trop facile. J’aurai eu l’impression de lui faire un cadeau d’adieu en lui offrant une mort rapide.
En fait, je n’ai pas vraiment choisi. C’est allé de soi.


J’avais déjà eu des raisons d’en vouloir à certaines personnes, mais jamais au point de vouloir faire, littéralement, exploser quelqu’un de souffrance. En tout cas certainement pas au point de passer à l’acte. Je n’avais aucune idée de comment procéder. J’ignorais même si c’était réalisable.
J’ai donc utilisé mon temps libre de la semaine suivante à accumuler des informations, contacter des personnes de mon entourage, demander à ce que l’on me fasse confiance, que l’on me rende un “petit service” sans poser de questions, jusqu’à être certaine de la méthode à employer.
Au bout du compte j’entrais en communication avec une boite vocale automatique m’indiquant de me rendre à “La Soli, B4” afin de me procurer les logiciels, certes illégaux, dont j’avais besoin.
N’ayant jamais été confrontée au marché noir je m’attendais à retrouver tous les clichés dont nous abreuvent les médias : un rendez vous dans un bar glauque avec quelqu’un de visiblement déséquilibré, une négociation en sous entendus entrecoupée de tics nerveux, des menaces aussi, si je venais à parler, et un échange en dessous de table pour finir.
Rien, mais absolument rien de tout cela n’a le moindre rapport avec la réalité.

La Soli dest le déminutif pour le quartier de la Solidarité qui est perché au dessus de Septèmes ; le B4 n’est pas un bar mais un numéro de bâtiment, ou de cage d’escalier plus exactement. Rien de particulièrement glauque, à part les vielles paraboles écaillées dont les supports dégoulinent de rouille. C’est surtout triste et mort en fait.
Pas de face à face cachottier non plus mais cinq minutes dans une des files d’attente, vous pouvez noter le pluriel, à subir le mistral au milieu des tours de béton, avant d’atteindre la rangée de vendeurs. Je dis bien la rangée car, à part le décor, on se croirait vraiment dans un supermarché.
Mon vendeur était très propre sur lui, vêtu à la dernière mode des traders de la Joliette, un costume ¾ noir Ass&Dicktm tout de même retroussé sur la manche gauche pour laisser voir la fresque de scarifications sur son avant bras.
La seule question à laquelle j’eus droit fut un signe de tête m’indiquant mon tour d’avancer. Après quelques hésitations et explications j’achetais mes logiciels : un Dominator pack, composé d’un Ripper et d’un Egg, plus un Shunter et un Ampli.
...

Moi non plus, je n’en avais aucune idée il y a quelques jours. Je vous expliquerai plus tard dans le détail à quoi correspondent ces produits, vu que je suis attaquée sur leur utilisation.

Après avoir quitté La Soli, je suis repassée chez moi pour cacher la clef USB contenant mes achats et me préparer à sortir.
Mon mari n’était toujours pas rentré, comme souvent ces derniers jours. Même si je bouillais intérieurement, connaissant parfaitement l’ordre du jour des soi-disant réunions qu’il utilisait comme prétexte, ses absences répétées simplifiaient mon organisation.
Je passais une tenue engageante. A la limite de la provocation, au cas où je vienne à croiser une connaissance, et me versais un imposant verre de Jet 27 avant de reprendre la voiture, pour me donner le courage de passer à l’étape suivante.
Après avoir roulé au hasard des rues pendant un peu plus d’une heure, je fini par trouver ce que je cherchai, aux abords de l’Estaque, en dépassant un camion à pizza.

De la rue, le type discutant avec le pizzaiolo m’avait paru d’aspect particulièrement repoussant : Gras, des restes de cheveux mi-longs tombant sur un débardeur trop petit qui mettait en évidence les poils des aisselles et du dos.
Je laissais la voiture et m'approchais du camion. Arrivée au comptoir, je saluais les deux hommes et commandais une bière au patron tout en souriant franchement au type que j’avais repéré.
Parfait ! Aucun doute là dessus. En plus d’être aussi laid de visage que de corps, il avait de petits yeux noirs qui respiraient la bêtise et dégageait une odeur âcre d’alcool transpirée.
Il me dénuda du regard, s’attardant volontairement sur mes seins et mes fesses, avant de me souhaiter bonsoir d’un air de défi.
Je buvais la moitié de ma bière d’un trait, avant de lui demander s’il pouvait m’indiquer la direction d’un hôtel, l’autre moitié quelques secondes plus tard lorsqu’il eut accepté de m’y accompagner.

Dès que ce fut fini je me glissais hors du lit, récupérais mes affaires et fuyais vers la salle de bain. Je mis de la musique pour couvrir le son du loquet lorsque je verrouillais la porte, posais mon taser à porté de main sur le lavabo et me jetais sous la douche. Depuis rien n’y fait. Je me sens toujours sale, juste un peu moins chaque jour.
En sortant de la salle de bain je constatais que son débardeur gisait toujours au sol. Il ne s’était pas rhabillé, ce qui le retiendrait sans doute de me poursuivre hors de la chambre si l’envie lui prenait. Cette idée me permis d’assurer mon ton avant de lui adresser la parole.
Je lui expliquais que je n’allais pas avoir le temps de le raccompagner au camion mais que j’avais vraiment passé un moment magnifique. Est-ce que ça le dérangeait si je prenais son numéro pour le rappeler bientôt ? J’étais mariée mais ne comprenais pas ce qui m’arrivait avec lui, avais très en vie de le revoir...Et il y a cru ! Instantanément !
Je me demande encore comment il a pu s’imaginer que je puisse...Bref, mimer l’amoureuse déchirée devant fuir sa passion s’est révélé particulièrement efficace pour prendre congé.
Je quittai l’hôtel au pas de course, satisfaite de mes enregistrements.

Rentrée chez moi, j'installai immédiatement les logiciels achetés à La Soli dans mon propre répertoire, avant de presser la capsule d’acide destinée à rendre la clef inutilisable.
J’étais prête. Le reste se résumait à des détails de mise en scène, et a patienter jusqu’au retour de mon époux.
Je tuais le temps en me versant du Chinon, remuais mon verre pour me perdre dans le rubis du vin, méditait sur les analogies entre ce breuvage aux arômes délicieux mêlés de poison alcoolique et la vie, qui dissimule une chausse trappe derrière chaque grand bonheur.
Je commençais à regretter mon couple, presque à me sentir veuve, au moment ou mon mari a ouvert la porte.


Immédiatement alerté en me trouvant immobile, assise à l’attendre un verre à la main, il redoubla d’aplomb pour jouer sa comédie pathétique d’homme éreinté par le travail.
Il prit soin de ne pas m’approcher et de croiser mon regard le moins possible tandis qu’il me posait une série de questions sur ma journée.
Je répondais évasivement et le stoppais au moment où il tentait de quitter le salon.
Le savoir encore maculé du parfum de sa maîtresse alors qu’il déambulait dans notre appartement me mettait hors de moi. Je ne voulais pas qu’il lave cette odeur, elle allait sans doute me donner le surplus de volonté nécessaire au moment important.
Je lui demandai de venir s'asseoir car nous avions à parler, en lui indiquant le pan de canapé faisant l’angle à gauche du mien. Il hésita à se servir un verre avant de me rejoindre mais se ravisa.
Je le regardai quelques secondes sans rien dire, laissant croître son malaise, avant de lui demander s’il m’aimait. De but en blanc.

J’avais prévu de déclencher mes logiciels dès qu’il répondrait “Mais bien sur ma chérie ! Comment est ce que tu peux en douter ?”. Je voulais que son mensonge insultant signe sa propre perte, et me décharge en quelque sorte.
Il éluda la question. Peut être avait-il flairé le piège à éviter, en tout cas il prétendit ne pas pouvoir me répondre. Il ne savait pas où il en était en ce moment...etc.
Sa réponse me désarma et je dû faire appel à toute ma volonté pour lancer le pack.

Techniquement, le Dominator Pack joue sur le fait que notre système nerveux fonctionne de la même manière que le réseau internet auquel il est relié. Les échanges d’information entre ordinateurs reproduisent la communication entre neurones et, depuis leur mise en ligne wifi il y a une trentaine d’année, chaque poste informatique et chaque terminaison nerveuse se sont unies comme les fibres différentes d’une même toile.
Le Ripper du Dominator Pack m’a permis d’utiliser le réseau pour accéder au système nerveux de mon mari. Il a éventré, d’où son nom, les protections de ma cible, pour me mettre en position d’agir à ma guise sur toutes les informations présentes au sein de son système nerveux. Comprendre ses perceptions, ses gestes, mais également sa mémoire.
Toucher à ces fonctions provoque d’importantes perturbations du système de la victime. En temps normal, Internet repère ce type d’anomalie et lance immédiatement une procédure d’intervention. L’Egg, seconde partie du Pack, remplace la cible au sein du réseau et simule son fonctionnement normal.
En une fraction de seconde, mon mari s’est retrouvé coupé du reste du monde, incapable d'éprouver une sensation, d’esquisser le moindre geste ou de raviver un souvenir que je n’aurai préalablement autorisé.

Sans l’avertir, je lui envoyais une communication qui contenait mes souvenirs personnels enregistrés spécialement pour lui avec le type du camion à pizza quelques heures plus tôt.
Se retrouver dans mon corps, brusquement et sans y avoir été préparé, le désorienta immédiatement.
J’augmentais aussitôt l’intensité de ses perceptions, ce qui est impossible en temps normal.
Le volume est bridé à la source et à la réception. Si je m’adresse à vous par conversation télépathique, à titre d’exemple, il ne me sera pas possible d'émettre ma pensée au delà d’une certaine intensité. L’Ampli permet de dépasser cette limite pour atteindre plusieurs fois le seuil admis. De plus des égaliseurs sont sensés bloquer les signaux trop puissants que vous pourriez recevoir. C’est cette deuxième sécurité que le Shunter court-circuite.

J’ai donc forcé mon époux à vivre de manière décuplée la peur et la honte que j’ai ressenti dans la chambre d’hôtel miteuse, en me déshabillant face à ce type repoussant, l’envie de lui arracher les yeux lorsqu’il promena son regard de bête sur mon corps, comme si j’étais une pièce de viande dont il allait se repaître.
Mon mari s’est mis à pousser des gémissements au moment où l’homme a posé la main sur mes seins. Il fut agité de spasmes lorsque mon visage se retrouva contre la peau de l’homme, le nez pris dans sa sueur de bière, âcre et grasse.
Lorsque je me forçais à prendre l’homme dans ma bouche, il succomba à ma propre envie de vomir, de rejeter ce membre infecte goûtant la mauvaise chair et l’urine.
Du pied je le poussais sur le côté afin qu’il ne s'étouffe pas dans ses vomissures et augmentais le volume.
Les spasmes redoublèrent et se maintinrent pendant les quelques, trop longues, minutes que l’homme avait passées à me pénétrer.
Je poussais l’intensité au maximum au moment où j’avais enfouis ma tête dans l’oreiller pour ne pas hurler d’horreur en le sentant jouir en moi.
J’ai vu le corps de mon mari s’arquer soudainement, vibrant comme une corde ; les yeux révulsés, bavant, avant de retomber brusquement sur le canapé.


J’approchais pour prendre son pou. Il était mort.
Tué par ce même dégoût infini que j’avais ressenti en apprenant sa liaison.
Il est mort sans comprendre mais il a ressenti, c’est tout ce qui compte pour moi.

J’ai pris mes affaires pour me rendre au commissariat, y déclarer l'homicide et présenter les droits de mort. Deux officiers m’ont raccompagnée pour constater le décès puis, vu que tout était en règle, sont repartis avec l’équipe chargée d’embarquer le corps.
L’autopsie du lendemain a conclue à un décès par arrêt cardiaque.
L’inspecteur m’a signalé que cela ne cadrait pas vraiment avec la déclaration d’homicide mais que, comme aucun des deux cas ne constituait un motif de poursuite, il n’avait aucune raison de me retenir.
Ma belle famille a ordonné une contre autopsie le jour même. Celle-ci a confirmé le décès par arrêt cardiaque mais en pointant le fait que cet arrêt était dû à une surcharge cognitive.
Le fait que cette surcharge n’ait laissé aucune trace au sein du réseau tendrait à prouver qu’elle est liée à l‘utilisation de logiciels illégaux.
C’est sur cette première charge que mes ex beaux-parents m’ont attaquée.
Ils on ajouté un plainte pour abus de droit peu après, au motif que la surcharge cognitive constitue une forme de torture. Le droit de mort donnant le droit de tuer mais pas celui de torturer, cela constitue un abus de droit selon leur avocat.
J’ai contacté votre cabinet dès que j’ai appris le dépôt de plainte.

Voilà, vous savez à peu près tout. E tout cas suffisamment, à mon avis, pour déterminer si vous êtes certain de gagner rapidement ou non.
Je pense que vous avez saisi ma démarche telle que je vous l’ai expliquée au début de notre entretien, vous ne serez donc pas surpris que je vous propose une rémunération bien en deçà de vos honoraires habituels durant la procédure, pour vous en garantir une bien supérieure dès la victoire acquise.

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Published on e-Stories.org on 09.07.2012.

 
 

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